Certaines entreprises américaines s’opposent aux tarifs douaniers imposés par Trump, d’autres militent au contraire pour une ligne dure afin d’obtenir une plus grande ouverture du marché chinois..
Si les entreprises américaines se plaignent volontiers des tarifs douaniers imposés par Trump à la Chine, elles souffrent aussi des restrictions que celle-ci leur impose lorsqu’elles veulent conquérir le marché chinois. Alors qu’une trêve dans la guerre commerciale a été conclue samedi, en marge du G20 d’Osaka, entre le président américain et son homologue Xi Jinping, le monde des affaires d’outre-Atlantique paraît déchiré, entre les effets des sanctions prises par la Maison-Blanche et la nécessité de faire pression sur Pékin pour obtenir une plus grande ouverture du marché chinois.
Appelées à témoigner dans le cadre d’une consultation organisée par le bureau de représentant au Commerce (USTR), des centaines d’entreprises ont ainsi alerté ces dernières semaines sur les conséquences des surtaxes , qui frappent désormais, à divers degrés, la quasi-totalité des importations chinoises.
« Made in USA »
Certains ont fait valoir qu’ils seraient pénalisés même en fabriquant aux Etats-Unis. Dans l’électronique ou le textile en particulier, les industriels utilisent des composants, des machines ou des équipements fabriqués en Chine, même pour produire aux Etats-Unis.
Le chausseur New Balance, dont les baskets sont réputées made in USA, a par exemple indiqué au « Wall Steet Journal » avoir besoin « de composants provenant de Chine pour approvisionner [ses] opérations de production de chaussures aux Etats-Unis, qui emploient 1.600 personnes ». « La chaîne logistique américaine est simplement trop petite et trop limitée pour répondre à l’ampleur de nos opérations de production », a-t-elle précisé.
Les distributeurs en alerte
Parmi les plus hostiles aux surtaxes, les distributeurs, dont les rayonnages regorgent de produits fabriqués en Chine, ont, de leur côté, alerté sur l’émergence d’un nouveau risque : être court-circuités par les fournisseurs chinois capables d’expédier directement leurs marchandises aux consommateurs en échappant aux taxes, tandis que les mêmes produits vendus dans les magasins américains y sont assujettis. Les marchandises de moins de 800 dollars expédiées par La Poste ne sont, en effet, pas taxées.
D’autres stratégies de contournement ont aussi été décrites. Notamment le « transshipment », consistant à faire transiter les marchandises chinoises par un autre pays, comme le Vietnam, pour en masquer la provenance et échapper aux droits de douane.
Faire pression sur Pékin
Pour autant, une autre lutte d’influence se joue en coulisses à Washington. En privé, de grandes entreprises, en particulier dans la tech, continuent de pousser les autorités à faire pression sur la Chine, apportant ainsi leur soutien tacite à Trump.
Depuis deux ans, les deux géants du « cloud » américain, Amazon et Microsoft, se battent, par exemple, pour parvenir à s’implanter sur le marché chinois sans être contraintes de se lier à une entreprise locale et devoir transférer leurs technologies. Elles ont fait appel au soutien d’une cinquantaine d’élus qui se sont mobilisés. Ceux-ci ont dénoncé la réglementation qui oblige aux transferts de technologies et fragilise la propriété intellectuelle.
Critiques prudentes
Les entreprises américaines demeurent toutefois très discrètes lorsqu’elles critiquent la Chine, redoutant des représailles sur ce marché qui reste, pour elles, très lucratif. Mais la parole tend à se libérer et les fédérations professionnelles, sentant les élus plus ouverts, ont donné de la voix.
En attendant, certains industriels américains ont commencé à réduire leur dépendance à la Chine, comme le fabricant de caméras GoPro, qui a annoncé rapatrier au Mexique d’ici la fin de l’année toutes ses usines produisant pour le marché américain. Le fabricant de jouets Hasbro, qui produit à 70 % en Chine, a également indiqué qu’il cherchait à déplacer ses usines hors du pays.
(Les Echos 30/06/2019)