Les prix du pétrole (référence Brent), se sont stabilisés au-dessus de 70$, à 71,55$ en clôture vendredi. Au-delà des fondamentaux, c’est le regain de tensions en Libye qui a été le principal soutien des prix. En effet, l’avancée des troupes du maréchal Haftar sur Tripoli fait craindre une réduction des exportations du pays. La production libyenne, qui était revenue sur ses plus hauts à 1,1 Mb/j après le redémarrage du champ principal de Sharara, ne se retrouve pas forcément à risque, mais les exportations, qui se font à partir de terminaux proches des lieux de combat, le sont en revanche davantage. La nouvelle importante de la semaine, sur le secteur pétrolier, concerne l’opération de rachat d’Anadarko Petroleum lancée par Chevron pour un montant de 33 Md$. Au-delà des synergies de l’opération liées aux économies d’échelle sur le GNL et dans le Golfe du Mexique, cette acquisition illustre selon nous plusieurs éléments. Le premier étant qu’il va falloir satisfaire une demande de pétrole qui ne cesse de croître malgré les gains en efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables. La demande de pétrole devrait en effet continuer de croître d’environ 1 Mb/j chaque année. Face à un sous-investissement important depuis la chute des prix en 2014, l’offre risque de manquer par rapport à la demande. Il est temps aujourd’hui pour les compagnies pétrolières de relancer les investissements afin de faire croître leur taux de renouvellement de réserves et assurer leur croissance future. Pour cela deux options s’offrent à elles : soit investir dans le développement de nouveaux champs, soit faire des acquisitions. Sachant qu’un projet d’investissement sur du pétrole conventionnel met en moyenne de 3 à 5 ans pour aboutir entre la découverte et la mise en production, et qu’il est difficile de prévoir à quel cours sera le baril à l’issue de ce processus, les groupes pétroliers auront tendance à favoriser une opération de croissance externe qui permet d’acquérir et de compléter un portefeuille d’actifs en limitant les risques d’échec, en gagnant du temps et en réduisant les coûts quand les valorisations des cibles sont attractives. Enfin, dans le cas de l’offre de Chevron sur Anadarko, l’opération se fait sur le sol américain, et elle concerne une société de pétrole de schiste, présente sur le bassin le plus prolifique, celui du Permian. Le pétrole de schiste américain offre un potentiel indéniable mais qui devient plus difficile à développer pour les indépendantes américaines. Les gains de productivité mis en avant pour justifier la résistance surprenante de ces sociétés pendant la phase de baisse des prix semblent finalement limités. Selon une étude menée par Bloomberg sur plus de 30 sociétés de pétrole de schiste, le « free cash flow » de ces sociétés était encore en 2018 négatif sur l’ensemble des bassins de production. Au final, les sociétés de ce secteur (dans leur ensemble) n’ont jamais dégagé de cash flows positifs depuis leur lancement. De plus, les actionnaires en mal de dividendes insistent depuis maintenant plus d’un an pour que les entreprises qui ont investi sans cesse afin de développer leur production ralentissent le rythme, et se concentrent sur la rentabilité. Dans ce contexte, nous ne serions pas surpris de voir d’autres opérations suivre sur les prochaines semaines. Des acteurs comme Noble Energy, Devon Energy, Diamondback Energy ou encore Cimarex Energy détiennent des positions sur le bassin Permian, qui représente près de la moitié de la totalité de la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis.