L’ex-ministre des Affaires étrangères devrait faire son entrée à Downing Street dès mercredi, après avoir été choisi mardi par les 160.000 militants du parti. Sa position a priori plus ferme que Theresa May sur le Brexit suscite de nombreuses critiques dans son propre camp.
En plein Brexit, le Royaume-Uni s’apprête à changer de capitaine cette semaine. Et sauf énorme surprise, c’est Boris Johnson qui devrait être choisi, mardi, par les 160.000 militants du parti conservateur pour devenir leur nouveau leader, au terme d’un duel avec Jeremy Hunt où ce dernier n’aura jamais réussi à combler son retard sur le grand favori. L’ex-ministre des Affaires étrangères devrait faire son entrée à Downing Street dès mercredi, après avoir rencontré la Reine dans l’après-midi, et prononcer dans la foulée son premier discours de Premier ministre.
Contrainte à la démission fin mai , Theresa May avait quitté son poste de chef du parti mais conservé celui de Premier ministre par intérim. Elle répondra mercredi midi à sa dernière séance de questions au gouvernement, avant de filer à Buckingham pour un dernier entretien avec Elizabeth II.
Un chemin encore incertain
C’est pour l’ex-maire de Londres l’aboutissement de toute une vie d’ambition politique mais aussi, pour le pays, la fin d’un « Beauty contest » qui, pendant plus de huit semaines, aura mis le Brexit en suspens. Il faudra encore quelques jours au nouveau Premier ministre pour désigner, sans doute d’ici à la fin de la semaine, les membres de son gouvernement.
La feuille de route de Boris Johnson est claire : il s’agit, trois ans après le référendum sur le Brexit de juin 2016, d’appliquer enfin la décision souveraine du peuple en sortant effectivement de l’UE. Mais le chemin qu’il empruntera reste incertain. Pendant toute la campagne, il a promis de sortir au 31 octobre, avec ou sans accord . De quoi caresser les militants « tory » dans le sens du poil, et se redonner du pouvoir de négociation à Bruxelles. Avec l’espoir affiché de décrocher ainsi un meilleur accord que Theresa May.
Une partie des conservateurs déjà braquée
Peut-il y parvenir ? Selon le « Sunday Telegraph », les gouvernements belge et néerlandais ainsi que des responsables français, allemands et irlandais auraient déjà pris contact avec l’entourage du futur Premier ministre pour éviter un « no deal ». Et Boris Johnson réfléchirait à inviter Emmanuel Macron et Angela Merkel dans la maison de campagne des Premiers ministres, à Chequers, pour en discuter.
Une chose est sûre : en adoptant une position a priori plus ferme que Theresa May, Boris Johnson a aussi braqué à l’avance toute une partie de son propre camp. De nombreux élus conservateurs ne sont en effet pas prêts à partir sans accord de divorce à l’amiable avec l’UE. Dix-sept d’entre eux ont défié jeudi les consignes de vote du parti et fait adopter un amendement travailliste requérant que les députés siègent de manière régulière, sans suspension, pour veiller à la restauration d’un pouvoir local en Irlande du Nord. Le but de la manoeuvre : empêcher Boris Johnson de suspendre les travaux de l’actuelle session parlementaire, fin octobre, pour éviter que les députés aient voix au chapitre et passer en force sur un « no deal » qui reste, à ce jour, l’option par défaut.
Signe de l’ambiance qui règne au sein du parti, plusieurs ministres du gouvernement May ont aussi averti qu’ils démissionneraient avant même d’être remerciés, pour bien montrer qu’ils ne souhaitaient pas cautionner un « no deal » et qu’ils étaient prêts à le combattre bec et ongles depuis le Parlement. A commencer par Philip Hammond. Le ministre des Finances s’est livré la semaine dernière à une violente controverse avec Jacob Rees-Mogg, en soulignant qu’un Brexit sans accord risquait de coûter 90 milliards de livres à l’économie britannique… là où le chef de file des députés « tory » hard Brexiters jugeait qu’un tel scénario pourrait, au contraire, la booster de 80 milliards.
(Les Echos 21/07/2019)