Washington a diffusé une vidéo présentée comme incriminant les Gardiens de la révolution iranienne de l’attaque contre deux tankers il y a quelques jours. L’ONU appelle à une enquête indépendante.
« C’est l’Iran qui l’a fait, et vous le savez très bien ». Donald Trump était jusque-là resté prudent face à la multiplication d’incidents dans le détroit d’Ormuz ces dernières semaines, semblant par moments prendre ses distances avec ses conseillers les plus belliqueux. Mais vendredi sur Fox News, il a accusé explicitement l’Iran d’être responsable de l’attaque, la veille, de deux pétroliers en mer d’Oman, qui a provoqué une flambée des cours du pétrole.
Dimanche, le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, dans une interview au quotidien Asharq al-Awsat, a lui aussi pointé du doigt Téhéran. « Le régime iranien n’a pas respecté la présence du Premier ministre japonais à Téhéran et a répondu à ses efforts en attaquant deux pétroliers, dont l’un était japonais », a-t-il dit. « Nous ne voulons pas une guerre dans la région (…) Mais nous n’hésiterons pas à réagir à toute menace contre notre peuple, notre souveraineté, notre intégrité territoriale et nos intérêts vitaux », a-t-il averti.
Un mois après une première série d’incidents dans la région qui avaient accru les tensions entre l’Iran et les Etats-Unis, Washington veut prendre à témoin la communauté internationale. « Nous avons un problème international là-bas, au Moyen-Orient. Ce n’est pas un problème américain », a lancé vendredi Patrick Shanahan, ministre de la Défense par intérim, appelant à la formation d’un « consensus international ». « Quinze pour cent du pétrole mondial transitent par le détroit d’Ormuz », a-t-il ajouté. Samedi, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont appelé à la sécurisation des approvisionnements en énergie venant du Golfe.
Démenti de Téhéran
Pour appuyer ses dires, le Pentagone a diffusé dans la nuit de jeudi à vendredi une vidéo présentée comme incriminant l’Iran. Assez floue, celle-ci montre l’accostage d’un des tankers victimes de l’attaque, par une patrouille des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique du régime iranien, venus retirer une mine fixée sur la coque du bateau, qui n’aurait pas explosé. « On voit le bateau, avec une mine qui n’a pas explosé et c’est clairement signé par l’Iran. C’est l’Iran », a insisté Donald Trump , pour qui les militaires iraniens « ne voulaient pas laisser de preuves derrière eux ».
Téhéran a immédiatement démenti être impliqué dans l’attaque. « Le gouvernement américain est devenu une menace pour la stabilité de la région et le monde depuis deux ans, avec une utilisation dévoyée de ses armes financières et militaires », a accusé le président iranien Hassan Rouhani.
Les tensions entre l’Iran et les Etats-Unis ne cessent de s’aggraver depuis la dénonciation l’an dernier de l’accord sur le nucléaire iranien par Washington et la mise en place de sanctions économiques, qui ont provoqué l’effondrement des exportations de pétrole iranien.
« Signaux clairs »
Le mois dernier, une série d’attaques contre des pipelines saoudiens et quatre navires près du détroit d’Ormuz, avait déjà suscité des inquiétudes. Les Gardiens de la révolution ont menacé à plusieurs reprises de fermer le détroit si l’Iran n’était pas autorisé à exporter son pétrole. Corps d’élite, ceux-ci sont placés sous l’autorité du guide suprême Ali Khamenei, véritable numéro un du régime selon la Constitution, et non celle du président Hassan Rouhani, qui cherche plutôt à apaiser les tensions avec les Etats-Unis et ses alliés.
Washington a, depuis, renforcé sa présence militaire dans le Golfe, évoquant des menaces et des « signaux clairs » de préparatifs iraniens d’attaques contre des intérêts américains dans la région. Vendredi, le Pentagone a laissé entendre qu’il pourrait encore accroître son dispositif militaire au Moyen-Orient.
Accord plus large
La Maison blanche espère contraindre l’Iran à conclure un nouvel accord allant au-delà du nucléaire et qui inclurait la question de l’influence de Téhéran dans la région, sa position sur Israël et ses différents programmes d’armement, mais les divisions au sein de l’administration Trump ont rendu sa démarche peu lisible. Les dirigeants iraniens, eux-mêmes divisés, ont en outre jusqu’ici refusé de négocier sous la pression.
L’Europe et la Russie ont appelé à la prudence et mis en garde contre un risque d’escalade vendredi, tandis que le Royaume Uni a apporté son soutien aux Etats-Unis, estimant qu’« aucun autre acteur étatique ou non-étatique ne peut vraisemblablement être responsable ». Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a de son côté réclamé une enquête indépendante pour déterminer les responsabilités dans l’attaque des deux pétroliers.
(Les Echos 17/06/2019)