Voici une question qui revient souvent : êtes-vous plutôt gestion « value » ou gestion « growth » ? Autrement dit, faut-il rechercher des actions décotées, dont le marché ignore une partie de la valeur, ou faut-il investir dans des actions, certes plus chères, mais portées par des taux de croissance des bénéfices importants ? On nous pose souvent la question. Nous n’appartenons à aucun style mais nous sommes heureux, rétrospectivement, de ne pas avoir fait le choix de la gestion value ! Depuis la crise de 2008 le verdict est sévère : l’investissement value a été littéralement pulvérisé par l’investissement growth. La value traite avec le discount le plus élevé jamais enregistré. Le rapport entre un portefeuille composé des valeurs aux prices to book (prix / valeur nette des actifs) les plus faibles du marché et le marché lui-même est de 9 fois ! Si on prend les Price Earnings, le rapport est de 7 fois. Même Warren Buffet a jeté l’éponge et acheté du Amazon en regrettant de ne pas l’avoir fait plus tôt… La value est morte donc ? Peut-être pas, mais elle est en grande difficulté dans des périodes où se cumulent l’explosion de la gestion passive qui achète structurellement la croissance, le maintien de politiques monétaires indéfiniment accommodantes et une rupture industrielle majeure. C’est encore un signe de l’accélération du changement des structures du marché auxquelles nous assistons depuis la crise de 2008. La value n’est pas morte mais faut-il regretter comme beaucoup cet effacement ? Son retour en force impliquerait probablement une crise économique majeure entraînant un repricing majeur des actifs de croissance ! Cela arrivera nécessairement un jour, probablement juste après qu’on ait enterré définitivement la stratégie… « Beware what you wish for » disent les Anglais, mais pour une vision un peu contrariante, ce jour n’a peut-être jamais été aussi proche… Ce ne sont pas là les seuls signes de la modification (pour ne pas dire distorsion) profonde de la structure des marchés financiers. Si vous cherchez la croissance à tout prix, du côté des émergents par exemple, lisez cette étude récente de Mark Hulbert sur les facteurs de surperformance des marchés entre 1997 et 2007. Les marchés les plus performants sont ceux qui ont enregistré les croissances les plus faibles mais les buy backs les plus importants ! La croissance économique, les profits, l’inflation, les fluctuations monétaires comptent moins que les buy backs nets dans la surperformance d’un marché financier… On trouve d’autres preuves de ces distorsions. Prenez un des indices les plus populaires : le Russell 2000. Son PE affiché est de 17,1. Elevé mais pas délirant. Ce chiffre de 17,1 est obtenu en sommant le PE des 2000 sociétés du Russell puis en faisant une moyenne. Il n’y a donc que des sociétés qui font des bénéfices. Calculer le PE d’une société en perte est un non-sens. Mais on peut calculer différemment le PE d’un indice en sommant les résultats (les bénéfices et les pertes) et en les divisant par la capitalisation boursière du marché. 73 ! C’est le PE du Russell 2000 ainsi calculé. 20% des sociétés de l’indice ont perdu de l’argent sur 16 des 20 derniers trimestres, sûrement un des effets cumulés de l’abondance de liquidités et de la rupture technologique. Ce n’est pas neutre contrairement aux grands indices (5% des sociétés du S&P sont en perte de sorte que la prise en compte des pertes ne change pas le PE).
Du côté du sentiment, l’heure n’est pas encore à la fête et le marché continue de monter contre un très fort scepticisme. C’est plutôt une configuration qui nous plait. On sent une légère amélioration très légère : on n’est plus au fond de la rigole mais on est au bord et on sent le marché prêt à y retourner. Les titres des sites financiers laissent peu de place à l’optimisme entre le triple top du S&P, le pessimisme des tenants de la théorie des vagues d’Elliott ou de la Dow Theory (plus partagés peut être…), les mises en garde sur la faiblesses des volumes, l’inversion de la courbe des taux et son caractère prétendument prédictif de la récession à venir, ainsi que les coups de pression tous azimuts de Trump qui adore soumettre ses alliés au régime de la douche écossaise (le Mexique et sa horde de migrants peuvent en témoigner). A qui le tour ? Après avoir été étonnamment discret sur le Brexit lors de sa tournée anglaise, il s’en prend désormais… au vin français… Nous voyons mal le marché chuter lourdement comme certains le prévoient avec un tel scepticisme chez les opérateurs, mais il est vrai que le passé récent nous a montré qu’après le pessimisme il y a le désespoir qui conduit du fond de la rigole au 36ème dessous. Avec prudence mais rigueur, nous continuons d’accompagner ce climat compliqué par une remontée graduelle de nos expositions même si on sent que l’on se rapproche d’un point d’inflexion sur le sentiment de marché.
Exposition OTEA 1 : 45% Neutre