Les fonds souverains ont enregistré une chute de moitié de leur rendement en 2018 à 4 % et un sur quatre a même perdu de l’argent, selon l’étude annuelle d’Invesco. Ils ont abordé l’année de manière prudente. Ils vont privilégier les Etats-Unis et les marchés émergents au détriment de l’Europe.
Les fonds souverains ont abordé 2019 de manière prudente après le coup de semonce boursier. « Ils ont augmenté leurs placements obligataires au détriment des actions », constate l’enquête annuelle réalisée par Invesco. En 2018, le rendement de leur portefeuille a été divisé de plus de moitié par rapport à l’année précédente en reculant de 9,4 % à 4 %, soit le niveau de 2016. Un quart des fonds souverains a même enregistré une performance négative. Ce fut le cas du fonds norvégien (-6,1 %). La chute des marchés boursiers a pénalisé les entités étatiques, dont les performances ont été comprises entre 2,2 % et 6,3 %.
La fin d’un cycle
L’étude révèle que leur allocation d’actifs est pour un tiers en obligations et 30 % en actions. Leurs liquidités pèsent pour 5 %. Plus un fonds est de grande taille plus il s’expose aux marchés boursiers. Signe de la prudence grandissante, un fonds sur quatre veut diminuer la part de ses capitaux investie sur les actions dans les 12 prochains mois, et un sur cinq augmenter son allocation sur les obligations, essentiellement d’Etat. Ce, malgré la faiblesse des taux. De fait, un tiers des fonds estiment que le cycle de croissance mondial va s’achever dans 6 mois à 1 an, et un sur deux d’ici un à deux ans en raison de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. La dé-globalisation et la montée du protectionnisme sont aussi perçues comme des menaces pour ces investisseurs transnationaux. Liam Chow Kiat, le directeur général du fonds singapourien GIC, le 8e au monde, a estimé que « les valorisations élevées et le ralentissement de la croissance augurent d’une baisse de nos rendements dans les années à venir. Les marchés développés, et notamment les Etats-Unis, approchent d’une fin de cycle ». Entre mars 2018 et 2019, le poids des actions chez GIC a diminué de 40 % à 37 %, et celui des obligations a augmenté de 37 % à 39 %.
Diversification
Des actifs alternatifs comme l’immobilier non coté, le capital investissement et les infrastructures sont perçus comme des sources de diversification dans les mois à venir pour près d’un acteur sur trois. Les actifs alternatifs représentent un cinquième de leurs investissements, un poids multiplié par près de 3 depuis 2013. En tête figurent l’immobilier (8,7 %), puis le capital investissement (6,9 %), les infrastructures (2,7 %), les hedge funds (2,1 %) et les matières premières (1 %). Une majorité de fonds du Golfe va augmenter ses investissements dans les infrastructures et l’immobilier.
La Chine
La Chine fait figure de zone d’investissement incontournable pour les fonds souverains de toute la planète. 9 fonds sur 10 gérant au moins 100 milliards de dollars sont présents dans ce pays, et deux fonds sur trois de taille plus modeste. Ils placent leur argent en premier lieu sur les actions chinoises (89 % des réponses), les actifs « réels » (50 %) comme les infrastructures, l’immobilier, et les obligations (39 %). Les freins à l’investissement sont le manque de transparence et le risque de change.
Les émergents plus attrayants que l’Europe
Les fonds souverains se sont détournés de l’Europe en 2018 et poursuivent sur cette tendance cette année. Ils privilégient les marchés émergents et la Chine comme zones d’investissement à prospecter. Cette année, un tiers des fonds veut investir davantage en Amérique du Nord et dans les pays émergents et une proportion comparable veut diminuer ses placements en Europe. 40 % vont accroître leur présence en Asie. Le Brexit a influencé la politique de gestion des deux tiers des fonds souverains et de manière défavorable pour le Royaume-Uni, dont la note d’attractivité (mesurée de 1 à 10), a chuté de 7,5 à 4,2 entre 2015 et 2019. En Europe, l’Allemagne est mieux notée que la France, 6,2 contre 4,9. L’attractivité de l’Hexagone a chuté de 25 % en quatre ans, et celle de l’Italie d’un tiers. A l’inverse, la perception de l’Inde s’est améliorée depuis 2015, et sa note (6,6) est supérieure à celle de la Chine (6,1). Les Etats-Unis restent de loin le pays le mieux noté (7,8) par les fonds souverains. Ces derniers jugent que les pays émergents offrent de meilleures opportunités que leurs homologues développés, avec des notes respectives de 6 et 5,4.
(Les Echos 07/07/2019)