Le groupe d’experts scientifiques mandatés par les Nations unies pour ausculter la biodiversité mondiale se réunit à partir de lundi à Paris. L’état des lieux et les perspectives d’évolutions des milieux naturels qu’ils vont dresser s’annoncent très alarmants. Paris mise sur cet électrochoc pour inciter les Etats à agir, comme pour le climat.
L’enjeu est planétaire et au moins 132 pays en ont très clairement pris la mesure. Ceux dont les représentants scientifiques et politiques se réunissent lundi et pour une semaine à Paris, au Palais de l’Unesco, afin de s’entendre sur un diagnostic partagé de l’étendue des dommages causés par les activités humaines. Des dégâts dont il faut à tout prix éviter qu’ils ne s’étendent et ne prennent définitivement un caractère irréversible, sous peine d’accélérer la « sixième extinction de masse » du vivant dans laquelle l’humanité a déjà mis un pied.
Un état des lieux établi selon la même démarche que celle qui est employée pour ausculter l’évolution du climat et les effets du réchauffement. Comme le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques ( IPBES ) a compilé une masse d’études scientifiques pour produire un rapport dont le contenu sera examiné à Paris.
Un GIEC de la biodiversité
Ce document de 1.800 pages doit, comme pour le GIEC avec le climat, aboutir à l’adoption d’un « résumé pour les décideurs » qui sera dévoilé le 6 mai prochain. Fruit de trois années de travaux, il fournira un inventaire des services que les écosystèmes rendent à l’homme. Des prélèvements de ressources naturelles aussi essentiels que l’eau ou l’air dont le coût, s’il fallait les payer, avoisinerait les 125.000 milliards de dollars par an, selon le dernier rapport Planète Vivante du WWF .
« Les apports que les gens tirent de la nature sont fondamentaux pour l’existence et la richesse de la vie humaine sur Terre, et la plupart d’entre eux ne sont pas totalement remplaçables », mettent en garde l’IPBES dans un texte provisoire dont le contenu a filtré la semaine dernière , assorti d’une kyrielle de constats alarmants. Ainsi, sur les 8 millions d’espèces estimées habitant la planète (dont 5,5 millions d’espèces d’insectes), « un demi-million à un million d’espèces devraient être menacées d’extinction, dont beaucoup dans les prochaines décennies ».
Propager l’onde de choc
Mais il n’est pas sûr que le « résumé des décideurs », qui sera négocié ligne par ligne, reflète sous tous ses angles la catastrophe qui s’annonce. Certains pays, à commencer par les plus développés, par crainte de voir leur responsabilité engagée, pourraient ne pas souscrire à certains constats ou, sinon, évasivement. Ce n’est pas ce qu’espère la France à l’origine de ce processus initié en 2005 par Jacques Chirac lors d’une première grande conférence sur la biodiversité.
La diplomatie française veut reprendre la formule qui a réussi aux négociations climatiques et dont le dernier grand aboutissement est l’accord de Paris conclu en 2015 lors de la COP21 . Aux yeux du quai d’Orsay, le « résumé pour les décideurs », qui sortira la semaine prochaine, sera « le socle » de la Convention internationale sur la diversité biologique – la COP15 – qui se tiendra fin 2020 en Chine.
Un autre acte se jouera les 5 et 6 mai, à Metz, au G7 environnement. La balle sera, cette fois, dans le camp de politiques. Sommés de répondre au message des scientifiques et envoyer des premiers signaux forts d’engagement ? Paris l’espère et entend également exploiter d’autres grands rendez-vous mondiaux pour prolonger le plus longtemps possible l’onde de choc déclenchée par l’IPBES et obtenir des avancées : le G7 de Biarritz, du 24 au 26 août prochain, et le Congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature ( UICN ) que la France a arrachée et qui se tiendra en juin 2020 à Marseille avant la COP15.
(Les Echos 29/04/2019)