À un mois du scrutin, le Premier ministre, vainqueur des législatives espagnoles, fait la course en tête face à un Partido Popular en crise.
À peine le scrutin législatif remporté, Pedro Sánchez Castejón doit enchaîner avec les européennes du 26 mai prochain. Si la composition du gouvernement espagnol s’annonce toujours aussi difficile compte tenu de l’émiettement des votes, le leader de la gauche espagnole peut compter sur un scrutin européen plus tranquille. La liste du PSOE est conduite par Josep Borrell, le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Sánchez. Une figure rassurante qui a dirigé le Parlement européen entre 2004 et 2007.
Selon les projections du Parlement européen, la liste du PSOE était créditée de 29,6 % des voix à la mi-avril. La délégation espagnole obtiendrait 18 sièges, soit 4 de plus que lors des catastrophiques européennes de 2014, où les socialistes espagnols avaient réalisé leur plus mauvais score (23,01 %). Ce score, meilleur, ne permet pas pour autant à Pedro Sánchez Castejón de s’imposer comme le nouveau champion de la gauche européenne. « C’est un dirigeant habile et ambitieux. Plus tacticien qu’idéologue », souligne-t-on chez les socialistes français, lesquels sont en voie d’évaporation. Le PSOE est traditionnellement situé sur l’aile gauche du Parti socialiste européen (PSE), ce qui, face au SPD, l’a longtemps réduit à la marginalité au sein de la gauche européenne. Mais les déboires électoraux des Allemands du SPD conjugués aux succès du Portugais António Costa sont en passe de déplacer le centre de gravité du PSE vers la gauche, et du Nord vers le Sud. Avec la complicité de Costa, Sánchez pourrait donc, à l’avenir, poser les jalons d’une nouvelle gauche européenne, surtout s’il reçoit le renfort du Labour de Corbyn, éventuellement de retour au Parlement européen.
Le PP a su placer ses hommes aux postes-clés
La fin du bipartisme en Espagne, à la suite de la crise économique, se fait toutefois durement ressentir pour les deux formations, le PSOE pour la gauche, le Partido Popular (PP) pour la droite. En 1999, le PP dominait avec 39,74 % des suffrages aux europénnes (27 sièges) devant le PSOE, 35,33 % (24 sièges). Jusqu’en 2009, le PP était en phase de progression aux européennes avec 41,21 % en 2004 (24 sièges) et 42,12 % (24 sièges) en 2009. Le PSOE, de son côté, s’offrait une courte victoire aux européennes de 2004 avec 43,46 % (25 sièges, seulement un de plus que son rival conservateur). En 2009, il s’inclinait avec 38,78 %, mais conservait 23 sièges au sein du groupe des sociaux-démocrates du Parlement de Strasbourg.
Tout bascule pour les deux partis structurants de la vie politique espagnole dans les années qui suivent la crise économique. Néanmoins, le Partido Popular, avec 16 eurodéputés depuis 2014, a réussi à maintenir une belle influence au sein du Parti populaire européen (PPE) auquel il est affilié. Allié fiable de la CDU-CSU, il a su placer ses hommes aux postes-clés, généralement en appui des Allemands du fait de la bonne entente entre Manfred Weber, le président du groupe PPE à Strasbourg, et d’Esteban Gonzáles Pons, vice-président du groupe PPE au Parlement.
Le phénomène Vox, qui fait son entrée aux Cortes pour la première fois depuis la fin du franquisme avec 24 députés, se répercutera dans l’enceinte du Parlement européen. Le parti de Santiago Abascal n’a pas de discours de rejet de l’Union européenne, mais il prône une politique ferme anti-islam, la reconduite aux frontières des migrants et la construction d’un mur en béton à Ceuta et Melilla, les enclaves espagnoles au Maroc. Il est opposé au fédéralisme, s’érige contre les tentations indépendantistes en Espagne, plaide pour une recentralisation de certaines compétences régionales et défend les valeurs catholiques d’une Espagne patriarcale. Selon les projections actuelles, la liste Vox flirte avec les 10 % (contre 1,57 % en 2014) et récolterait 6 sièges à Strasbourg.
(Le Point 29/04/2019)