La façon dont Trump a stimulé la croissance pèsera à terme tant sur le plan économique et sociétal qu’environnemental, estime Stéphane Lauer, éditorialiste au « Monde ».
Chronique. « Quatre ans de plus ! Quatre ans de plus ! » Il y a quelques jours, une foule de militants réunie à Panama City Beach, en Floride, exultait face à son champion, Donald Trump, au cours d’un meeting lançant la campagne pour sa réélection en 2020. Jamais celle-ci n’a paru aussi envisageable. La menace d’une destitution semble désormais relever du fantasme d’une poignée de démocrates plus procéduriers que stratèges politiques. La cote de popularité du président est à son zénith. Et l’économie tourne à plein régime. Ceux qui prédisaient les dix plaies d’Egypte lorsque le milliardaire américain s’est assis dans le bureau Ovale en sont pour leurs frais : les eaux du Potomac ne se sont pas changées en sang et le Capitole n’a pas été envahi par les sauterelles.
En tout cas, jusqu’ici, tout va bien. Mais jusqu’où ? Tout le monde connaît l’histoire du défenestré, qui, étage après étage, constate que ce n’est pas la chute qui est problématique, mais l’atterrissage. Le parachute est-il en option dans la politique économique menée par Donald Trump ? La croissance a beau avoir atteint 3,2 % en 2018 et le taux de chômage officiel avoir été ramené à son plus bas niveau depuis cinquante ans, deux questions se posent. L’une est politique : l’atterrissage interviendra-t-il avant ou après le 3 novembre 2020, date du scrutin présidentiel ? L’autre concerne la planète entière : le retournement sera-t-il brutal ou en douceur ?
Même si un ralentissement de la croissance au deuxième trimestre est anticipé, les Etats-Unis devraient battre le record de la plus longue période de prospérité depuis le milieu du XIXe siècle. Le précédent datait des années 1990, soit cent vingt mois de progression ininterrompue du PIB. Au passage, notons que les trois quarts de la performance actuelle ont été réalisés sous Barack Obama. Maintenant, bien malin celui qui pourra dire si les choses commenceront à se gâter avant ou après les élections. Ce sera l’une des clés du scrutin.
Un château de cartes prêt à s’effondrer
La réponse à la seconde question est plus prévisible. La façon dont Donald Trump a stimulé la croissance laisse craindre que l’on se retrouve face à un château de cartes qui peut s’effondrer à tout moment. Le président américain touche aujourd’hui les dividendes de choix qui n’avaient qu’un seul but : le faire réélire. Mais le prix à payer sur le long terme, que ce soit au plan économique, sociétal et environnemental, s’annonce lourd.
(Le Monde 13/05/2019)