Après plus de 12 heures de tractation, les dirigeants européens négocient toujours, ce lundi matin, pour s’entendre sur les noms des futurs patrons des postes clés de l’Union européenne. A l’aube, une nouvelle réunion à 28 était annoncée aux environs de 7 heures du matin.
Plus de douze heures de tractations derrière des portes closes, et toujours rien. Les dirigeants européens ont donné l’illustration, dans la nuit de dimanche à lundi, de l’immense complexité de la mission qu’ils doivent accomplir : attribuer les postes clés de l’Union européenne (présidence de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil européen qui réunit les chefs d’Etat et de gouvernement). Tentant de trouver l’accord parfait en tenant compte des équilibres politiques et géographiques tout en assurant une parité parmi les différents postes, ils ont surtout buté sur les rivalités de parti et les tensions au sein du PPE.
Dimanche matin encore, une piste semblait sérieusement à l’étude. Elle consistait à mettre le Néerlandais Frans Timmermans , tête de liste des sociaux-démocrates durant l’élection européenne, à la tête de la Commission européenne. Une réelle concession de la part des conservateurs du PPE, puisqu’ils auraient alors renoncé à la succession de Jean-Claude Juncker, qu’ils avaient toujours revendiquée du fait qu’ils avaient terminé la course en tête lors des dernières élections européennes. En échange de cette faveur aux sociaux-démocrates, le PPE exigeait la double présidence du Conseil européen et du Parlement européen.
Mais les centristes, troisième famille politique au plan numérique, ne l’entendaient pas de cette oreille, et auraient obtenu d’Angela Merkel la promesse de la présidence du Conseil européen. De quoi provoquer une bronca, dimanche après-midi, lors d’une réunion du PPE qui a pris une tournure tout à fait atypique. D’ordinaire capable de donner le « la » dans le grand parti européen, la chancelière allemande s’est trouvée contestée .
Retour à la case départ ?
Le scénario « Timmermans » avait d’autant plus de plomb dans l’aile qu’il se heurtait à la farouche opposition de plusieurs pays situés à l’Est de l’UE. C’est en effet Frans Timmermans, en sa qualité de premier vice-président de l’actuelle Commission européenne, qui a supervisé les démarches à l’encontre de la Pologne et le Hongrie au titre de l’Etat de droit. De quoi en faire un repoussoir absolu.
Dans la soirée de dimanche, l’actuel président du Parlement européen, Antonio Tajani, a rajouté une dose de tension en maintenant, devant les médias, le plan initial du PPE : son exigence d’obtenir la présidence de la Commission, et de la confier à l’Allemand Manfred Weber , qui avait assuré la tête de liste des conservateurs durant la campagne des Européennes. Un retour à la case départ, donc, puisque le nom de Manfred Weber avait semblé être écarté lors de la précédente rencontre des dirigeants européens consacrée à ce sujet, le 20 juin.
Incertitude maximale
Antonio Tajani brandissait une menace sérieuse : quoi qu’il arrive, le Parlement européen respectera le calendrier institutionnel et élira, ce mercredi, son président. Dans un tel scénario, l’un des trois postes centraux de cette grande équation serait décidé par l’assemblée européenne, ce qui mettrait les dirigeants européens devant le fait accompli et réduirait leur marge de manoeuvre pour la suite des opérations. Selon les textes, c’est à eux qu’il revient de nommer le président de la Commission européenne – et au Parlement européen de l’approuver par un vote.
Dans ce contexte d’incertitude maximale, le sommet des dirigeants a pris une forme tout à fait atypique : les rencontres bilatérales ou en groupes restreints se sont succédées. Le dîner à 28, par exemple, a commencé avec trois heures de retard. Plus tard, il a été interrompu pour permettre à Donald Tusk, le Polonais qui dirige le Conseil européen, de mener à nouveau des rencontres bilatérales. La piste Timmermans, qui avait semblé écartée en début de soirée, n’apparaissait plus tout à fait exclue.
Nouvelle réunion
Angela Merkel et Emmanuel Macron notamment avaient fait part de leur souhait de déployer un maximum d’énergie pour trouver un compromis, plutôt que d’organiser un nouveau sommet exceptionnel dédié à cette seule question. La date du 15 juillet était toutefois évoquée avec insistance depuis la soirée de dimanche. Donald Tusk, depuis qu’il avait convoqué la réunion de dimanche soir, avait prévenu : il faudrait peut-être se voir jusqu’au petit matin. A l’aube, une nouvelle réunion à 28 était annoncée aux environs de 7h30 du matin.
Le « record » d’un sommet de 2015 consacré à la Grèce, qui avait duré jusqu’à 10 heures du matin, n’était plus très loin. De quoi mettre la Finlande dans l’ambiance : c’est ce lundi matin qu’elle prenait, officiellement, la présidence tournante du Conseil, pour les six prochains mois.
(Les Echos 01/07/2019)