Annoncé en novembre par le président chinois Xi Jinping, le marché « Star », rival du Nasdaq américain, a fait ses grands débuts ce lundi à Shanghai. La plupart des titres des 25 sociétés référencées se sont d’emblée envolés. Pékin veut persuader ses futurs champions technologiques de rester en Chine pour financer leur développement.
Annoncé en novembre par le président chinois Xi Jinping en personne, le marché Star, rival du Nasdaq américain, a fait ses grands débuts ce lundi à Shanghai. Et pour cette première journée, l’enthousiasme des investisseurs a été au rendez-vous. La plupart des titres des 25 sociétés high-tech chinoises se sont d’emblée envolés, la palme revenant au fabricant de composants Anji Microelectronics Technology avec un cours flambant jusqu’à 410 % dans les premiers échanges. D’ores et déjà, 120 entreprises se sont mises sur les rangs pour être cotées sur ce nouveau marché, considéré comme la tentative la plus audacieuse de la Chine de réformer ses marchés boursiers.
Créé sur le modèle du Nasdaq, le « Star Market » reflète la volonté de Pékin de persuader ses futurs champions technologiques de rester en Chine pour financer leur développement. Si la Chine a fait émerger, ces dernières années, des mastodontes mettant à mal la domination de la high-tech américaine, aucun n’a choisi Shanghai ou Shenzhen comme place de cotation. Alibaba , Baidu, JD. com sont à Wall Street tandis que Tencent et Xiaomi se sont introduits à Hong Kong.
Compte tenu des importantes restrictions sur les sorties de capitaux, il est quasiment impossible pour les investisseurs chinois de prendre position sur ces entreprises. « La guerre commerciale et technologique entre les Etats-Unis et la Chine a convaincu Pékin d’accélérer le lancement de cette nouvelle place », indique François Perrin, gestionnaire de portefeuilles chez East Capital, à Hong Kong.
Des IPO plus rapides
Alors que les entreprises chinoises doivent attendre, en moyenne, deux ans et demi, pour pourvoir s’introduire à Shanghai et Shenzhen, le système d’enregistrement du marché Star s’affranchit des lourdes règles sur le calendrier et le prix d’introduction imposées actuellement par le régulateur. Calqué sur le modèle des marchés développés (Nasdaq, Hong Kong…), l’ensemble du processus d’introduction est ainsi raccourci à environ 70 jours.
Parmi les nouveautés, les sociétés déficitaires pourront se faire coter sur Star, ce qui est inédit en Chine et constitue un atout pour les start-up. Star laisse également toute latitude ou presque aux forces de marché pour déterminer les prix : il n’existe aucune limite sur les variations de cours dans les cinq premiers jours de transactions, après quoi leurs fluctuations seront limitées à 20 % sur une journée. Sur les autres marchés chinois, les hausses de prix sont plafonnées à 44 % le premier jour puis à 10 %.
Risque de volatilité
« Si ce marché visant à diriger les flux de capitaux chinois vers les sociétés technologiques a un intérêt stratégique évident, sa mise en oeuvre ouvre la porte à des risques de volatilité extrêmement élevés et à des niveaux de valorisation qui ne sont pas raisonnables », met en garde François Perrin.
Autant le Nasdaq est dominé par des investisseurs professionnels, autant les marchés boursiers chinois font la part belle aux parieurs et spéculateurs particuliers, rendant les séances particulièrement volatiles. Le phénomène risque encore de s’amplifier sur le marché Star en l’absence d’encadrement des prix.
Avant même la première cotation, les 25 premières entreprises inscrites ont rencontré une demande folle : elles se sont introduites, en moyenne, à un prix les valorisant 171 fois leurs bénéfices de 2018, ce qui nettement supérieur à la règle informelle limitant le ratio à 53 fois les bénéfices sur les marchés chinois actuels.
Pékin joue aussi gros car ses précédentes tentatives pour créer un nouveau marché chinois ont toutes échoué. Le marché ChiNext de Shenzhen, lancé il y a 10 ans avec l’ambition de promouvoir les sociétés innovantes, a vite vu son blason terni par des spéculations et manipulations, pour finalement disparaître pendant la crise boursière de 2015. Le New Third Board, un marché non réglementé, a connu le même sort.
(Les Echos 22/07/2019)