Le gouvernement britannique devrait annoncer des représailles lundi, suite à l’arraisonnement d’un pétrolier battant pavillon britannique vendredi dans le détroit d’Ormuz.
Trump contre l’Iran. Le détroit d’Ormuz au coeur du conflit
Londres s’est plaint à l’ONU suite à la saisie, vendredi, d’un pétrolier battant pavillon britannique par les Gardiens iraniens de la révolution dans le détroit d’Ormuz. Cet arraisonnement du « Stena Impero » a suscité une légère poussée de fièvre des cours du pétrole en Asie samedi et illustre le degré actuel de tensions dans cette artère par laquelle transite un cinquième du pétrole consommé dans le monde.
Surtout, ce nouvel épisode de la « guerre des tankers », ouverte par le sabotage de trois pétroliers dans les eaux émiraties le 12 mai, menace de porter le coup de grâce à l’accord JCPOA de juillet 2015 sur le nucléaire iranien, sans exclure même une crise diplomatique ou militaire plus large…


Les Pasdarans à la manœuvre
« Nous ne cherchons pas la confrontation avec l’Iran. Mais il est inacceptable de menacer un navire qui mène ses affaires légitimes dans des corridors reconnus internationalement », a écrit l’ambassadeur adjoint du Royaume-Uni à l’ONU, Jonathan Allen, au président du conseil de sécurité et au secrétaire général. « L’enquête dépend de la coopération des membres d’équipage du vaisseau et aussi de notre accès aux preuves nécessaires », a déclaré de son côté Allah-Morad Afifipour, directeur général de l’Autorité portuaire et maritime de Bandar Abbas, qui retient le tanker. Les captifs « sont en bonne santé », a-t-il ajouté.
La Première ministre britannique Theresa May présidera lundi matin une réunion interministérielle de crise. La dirigeante, qui quittera ses fonctions mercredi, fera le point sur la situation avec les membres de son gouvernement, et abordera la question « du maintien de la sécurité de navigation dans le Golfe », indique l’exécutif britannique dans un communiqué, précisant que la réunion de crise (COBR) débuterait vers 09H30 GMT.
Le ministre britannique des affaires étrangères, Jeremy Hunt, annoncera ensuite au Parlement les mesures prises. Le secrétaire d’Etat à la Défense, Tobias Ellwood, a évoqué dimanche une « série d’options envisagées », sans autres précisions. La presse britannique évoquait le gel d’actifs iraniens, bien qu’il n’en existe apparemment plus domiciliés au Royaume-Uni.


Sauver l’accord JCPOA
Londres pourrait aussi plaider pour un rétablissement immédiat par l’Europe des sanctions levées dans le cadre de l’accord JCPOA, mais Tobias Ellwood a souligné que la priorité était à la « désescalade » et au rétablissement de la sécurité de navigation pour les navires britanniques.
Londres exige aussi la libération du « Stena imperio ». Ce qui semble peu probable puisqu’il a été saisi par les Pasdarans, un corps militaire considéré comme le plus anti-occidental au sein du régime iranien et qui miserait sur une crise ouverte. Les Pasdarans, qui ne répondent qu’au Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, ont ainsi arrêté récemment une chercheuse franco-iranienne, alors que Paris s’efforce de sauver le JCPOA, comme Londres.
L’accord a été dénoncé en mai 2018 par l’administration Trump et depuis lors à peu près aucune firme occidentale n’ose faire commerce avec l’Iran, de peur de se voir fermer le vaste marché américain. Les exportations iraniennes de pétrole, qui fournissent habituellement 90 % de ses recettes en devises, sont tombées à 0.8 million de barils par jour (Mbj), contre 2.6 Mbj début 2018.


La question des escortes
Téhéran a déclaré que le « Stena Impero » avait menacé la sécurité maritime et naviguait dans ses eaux, alors que Londres affirme qu’il se trouvait dans les eaux du sultanat d’Oman, par lesquelles transitent en effet habituellement les pétroliers sortant du Golfe Persique. Londres a recommandé aux navires britanniques de rester « en dehors de la zone » du détroit d’Ormuz pour une « période provisoire ». La marine britannique était intervenue le 11 juillet pour protéger un tanker harcelé par des vedettes iraniennes. Les Pasdarans ont diffusé une vidéo de l’arraisonnement du « Stena Impero », cerné par des vedettes et sur lequel un commando descend depuis un hélicoptère. Washington a appelé ses partenaires occidentaux à faire escorter leurs pétroliers, au risque qu’ils soient impliqués dans des incidents avec les Pasdarans.
L’Allemagne, la France, et l’Union européenne ont exprimé leur « solidarité » avec le Royaume-Uni et sommé l’Iran de relâcher le « Stena Impero » et ses vingt-trois marins, essentiellement indiens et russes. Pour Jeremy Hunt, la saisie du « Stena Impero » est une mesure de représailles à celle d’un pétrolier iranien, « Grace 1 », début juillet, à Gibraltar, pour contrebande de pétrole avec la Syrie, sauf que « le Stena Impero a été saisi dans les eaux omanaises en violation flagrante du droit international ».


Retour des soldats américains en Arabie saoudite
Des unités militaires américaines vont être déployées en Arabie saoudite pour la première fois depuis leur retrait en 2003, a annoncé Riyad vendredi. Elles étaient arrivées en 1991 dans le cadre de la guerre du Golfe, ce qui avait suscité une vive émotion dans les cercles islamistes en raison du caractère sacré du sol de l’Arabie. Il s’agirait selon des médias américains de 500 soldats qui seraient stationnés sur la base aérienne Prince Sultan. Ce déploiement pourrait aussi constituer une démonstration de force américaine et de soutien au régime saoudien, rival de l’Iran.
(Les Echos 21/07/2019)