L’Arcep doit révéler cette semaine les modalités précises du processus d’enchères pour l’attribution aux opérateurs télécoms de fréquences 5G. Le lancement commercial est attendu pour 2020. Le gouvernement exige qu’aucune zone, y compris rurale, ne soit délaissée.
C’est un événement qui n’arrive que tous les dix ans dans les télécoms : le lancement d’une nouvelle génération de réseaux mobiles. Sans surprise, les opérateurs sont donc impatients de savoir quand et comment ils pourront offrir la 5G – grâce à laquelle les débits théoriques sont décuplés – à leurs clients.
Mais avant d’ériger de nouveaux pylônes à travers l’Hexagone, il leur faut acquérir des licences, pour utiliser les fréquences radio idoines. L’attribution de la bande clef de la 5G, comprise entre 3,4 et 3,8 GHz, aura lieu en fin d’année. L’Arcep, le régulateur des télécoms, à qui il revient d’en définir les modalités, doit révéler son « cahier des charges » cette semaine.
Les écueils de la 4G
Selon nos informations, celui-ci imposerait des obligations de couverture très conséquentes dès le départ. Le sujet est politique. Il importe au plus haut sommet de l’Etat que l’on ne reproduise pas avec la 5G les erreurs de la 4G, c’est-à-dire constater dans quelques années que la couverture est très en retard sur les attentes de la population et, surtout, qu’une fracture territoriale divise villes et campagnes. Une fracture qui – le gouvernement en est convaincu – alimente la montée des extrêmes.
Pour éviter ces écueils, le régulateur a l’intention d’innover par rapport aux enchères précédentes. Comme « les Echos » l’indiquaient récemment, il n’imposerait plus des pourcentages du territoire ou de la population à couvrir dans un délai prédéfini. Ces exigences ont prouvé par le passé qu’il était difficile de tomber juste.
Autrement dit, peu importe qu’il s’agisse d’une très bonne 4G ou de 5G, une vaste proportion des antennes devraient, dans trois ans, fournir un débit considérable aux utilisateurs. Et ce pourcentage augmenterait avec le temps pour atteindre finalement l’intégralité du réseau.
Les campagnes à l’honneur
Contrairement à ce qui s’était passé pour la 4G, les campagnes ne sont pas oubliées. Pour éviter que la 5G ne profite qu’aux grandes métropoles, où les opérateurs sont naturellement incités à déployer par la force de la demande, des mesures destinées à préserver l’équilibre territorial sont prévues. Grosso modo, un petit quart des nouveaux sites devrait expressément se situer dans les zones les moins bien couvertes.
D’autres obligations sont déjà connues, puisqu’elles sont communes à tous les pays de l’Union européenne. Il s’agit notamment de couvrir une grande ville dès 2020 ou encore les principaux axes routiers en 2025 – ce qui représente un investissement conséquent dans le contexte français.
Un prix raisonnable
Toutes ces obligations viendront minorer, bien entendu, le prix que les opérateurs seront prêts à payer au total. Selon diverses projections, celui-ci pourrait n’atteindre que 2 milliards d’euros.
Mais, vu de la fenêtre des opérateurs, ce n’est pas forcément un sujet de réjouissance. Ces derniers temps, certains d’entre eux redoutaient même une telle issue. « Il vaudrait mieux payer un peu plus cher pour les fréquences, si cela permet de ne pas avoir à investir obligatoirement des sommes folles dans un nouveau réseau que l’on n’est pas sûr de savoir rentabiliser », glissait l’un d’entre eux récemment. Il n’aura pas eu gain de cause.
Les opérateurs pourront se consoler en constatant que l’Etat est très vigilant à ne pas leur faire dépenser plus que de raison lors des enchères – histoire de préserver leurs capacités d’investissement pour les déploiements. Le mécanisme des enchères qui se dérouleront à l’automne est conçu pour éviter tout débordement similaire aux enchères italiennes ou allemandes qui avaient toutes deux vu les opérateurs dépenser plus de 6 milliards d’euros pour acquérir des fréquences.
En fixant un quota minimum et une limite maximum de spectre que chaque opérateur peut se voir attribuer (vraisemblablement autour de 40MHz minimum et 100 MHz maximum), le régulateur veut cadrer les prétendants. Pas question que l’un d’entre eux ne reparte bredouille, ni qu’un autre truste l’essentiel du gâteau spectral. Les opérateurs n’auront ainsi pas d’incitation néfaste à miser plus que de raison.
Cette configuration permet de couper la poire en deux. D’un coté Bercy renonce à maximiser ses recettes. De l’autre, les opérateurs seraient contraints d’investir massivement dans les réseaux. « Il faut que nous nous fassions tous mal », avait pour habitude de lancer le gouvernement aux opérateurs lorsqu’il demandait à renforcer drastiquement la couverture 4G. Une technologie plus tard, cette philosophie n’a pas changé.
(Les Echos 15/07/2019)